La dissertation philosophique (cas pratique) - Savoir-faire

 

Cas pratique :

Exemple 2 : Un monde sans religion est-il souhaitable ?

En prenant ce sujet comme deuxième illustration de la partie théorique, nous essayerons de voir étape par étape le travail demandé.
 
Nous remarquons alors que le sujet est une question ouverte ; il s'agit d'un sujet dialectique. 
 
Ce type de sujet nécessite trois parties (la thèse, l'antithèse et la synthèse).

I. Le travail préparatoire

Ce travail consiste tout d'abord à analyser la question explicite. 
 
Pour se faire, il faut adopter une démarche qui vise à comprendre la question posée.
 
$\bullet\ $Il ne s'agit ni de la réduire à une simple définition de la religion, ni de l'étendre à une vaste comparaison entre philosophie et religion.
 
$\bullet\ $Il s'agit surtout de comprendre les mots clefs du sujet en s'efforçant de les conceptualiser et non de rester aux définitions littérales des termes.
 
$\bullet\ $Il s'agit aussi de poser des questions sans lesquelles le sujet ne peut pas être traité de manière pertinente.
 
Dans ce sujet les termes Religion et Souhaitable apparaissent comme essentiels.
 
$\surd\ $Religion : il faut comprendre la religion par sa définition ; mais aussi de par ses domaines d'intervention dans la vie humaine. 
 
Elle se définit comme un système de croyances et de pratiques destiné à l'affirmation d'une réalité d'ordre transcendantal. 
 
En tant que système, elle est mue par un principe autour duquel la totalité de la vie humaine doit être organisée.
 
$\surd\ $Souhaitable : Ce qualificatif désigne le désirable. 
 
Le concept de désir indique qu'il y a un manque, un vide qu'on vise à combler. Il faut alors comprendre souhaitable comme une tendance vers un idéal de vie qu'on considère comme source de bonheur ou de satisfaction.
 
En plus de l'analyse, la compréhension du sujet nécessite aussi de soulever d'autres questions en rapport avec les termes du sujet. 
 
C'est l'ensemble de ces questions connexes, servant aussi à clarifier le sujet, qui constituent la problématique.
 
Une fois la compréhension acquise, la problématique identifiée, la rédaction peut commencer en respectant les différents points de chaque étape.

II. La rédaction

$-\ $Première étape : 

La rédaction de l'introduction composée de trois points :
 
$\blacktriangleright\ $Amener le sujet : à partir d'un constat par exemple : la misère humaine et la dépravation des valeurs ont atteint un degré de profondeur à tel point que l'homme est au bord du désespoir malgré le développement fulgurant des sciences et des techniques allant dans le sens d'améliorer la condition humaine.
 
$\blacktriangleright\ $Poser le sujet : c'est le point essentiel d'une introduction qui se fonde surtout sur le travail préparatoire pour comprendre du sujet. 
 
Ainsi ce sujet soulève plusieurs interrogations qu'on peut classer du plus vaste au plus restreint :
 
$\surd\ $Qu'est-ce que la religion ? Quelle est sa finalité ? Qu'est-ce qui la caractérise ?
 
$\surd\ $Que pouvons-nous espérer de la religion ? Quel est son apport pour construire un monde meilleur ?
 
$\surd\ $La religion n'est-elle pas plutôt un facteur de blocage dans la construction d'un monde meilleur ?
 
$\blacktriangleright\ $Annoncer le plan : Répondre à ces questions revient à étudier les avantages et les facettes bloquants de la religion.

$-\ $Deuxième étape : 

Le développement ou la dissertation proprement dite car c'est le lieu de l'argumentation des thèses et des idées. 
 
Une idée doit toujours être argumentée et l'argumentation doit être rigoureuse, cohérente et pertinente. 
 
L'idée, une fois argumentée, peut être illustrée par une citation ou un exemple. 
 
Il s'agit d'une illustration qui ne peut pas, en aucune manière, remplacer l'argumentation. 
 
Dans le développement, il faut au moins distinguer deux parties : la thèse et la discussion des thèses.
 
$\bullet\ $La thèse : toutes les idées doivent aller dans le sens de soutenir une position. 
 
Avec cette question, on peut soutenir une position selon laquelle la religion est nécessaire pour vivre pleinement dans un monde stable.

Première idée :

La religion est un guide de la vie ; elle nous offre une ligne de conduite qui a pour but ultime la béatitude. 
 
Dans sa dynamique de constituer un rempart pour ne pas tomber dans le désespoir, liée aux multiples besoins et questionnements auxquelles l'homme n'a pas de réponse, la religion cultive un climat de paix et d'harmonie aussi bien avec nous-même qu'avec notre entourage. 
 
C'est parce qu'elle promeut particulièrement la sagesse et la connaissance de Dieu que la religion est dans l'optique de créer un monde meilleur et souhaitable. 
 
La sagesse d'ailleurs qui est la mère de toutes les vertus permet à Spinoza de s'inscrire dans cette logique lorsqu'il écrit « Le sage au contraire, considéré en cette qualité, ne connait guère le trouble intérieur, mais ayant, par une certaine nécessité éternelle conscience de lui-même, de Dieu et des choses, ne cesse jamais d'être et possède le vrai contentement. »

Deuxième idée :

La religion nous offre une réponse à notre profond désir naturel d'immortalité. 
 
En effet le principe fondamental sur lequel repose la religion est l'immortalité de l'âme. 
 
L'immortalité sous-tend que derrière la vie terrestre, considérée comme facticité, est représentée la vie éternelle. 
 
C'est cette vie qu'elle évoque pour inciter les hommes à garder une certaine ligne de conduite favorable à la cohésion et à l'harmonie de la communauté. 
 
Un monde paisible et vivable n'est possible sans cette croyance religieuse qui lient les hommes et les tiennent dans une même dynamique de se rapprocher du spirituel et de satisfaire le désir d'immortalité. 
 
Bergson écrit à ce propos dans "Les deux sources de la morale et de la religion" : « Nous nous retrouvons donc devant le jeu tout particulier d'images et d'idées qui nous a paru caractériser la religion à ses origines. 
 
Envisagée de ce $[\ldots]$ point de vue, la religion est une réaction défensive de la nature contre la représentation, par l'intelligence, de l'inévitabilité de la mort. »

Troisième idée :

La religion nous offre la possibilité de nous rapprocher de Dieu et par conséquent de d'annihiler l'animalité qui dort en nous. 
 
En effet nous savons que l'homme est corps et esprit. 
 
Nonobstant la querelle des matérialistes et des idéalistes qui insistent sur l'un ou l'autre, l'homme doit satisfaire autant que faire se peut ces deux composantes. 
 
Pascal écrit pour faire constater cette bivalence qui peut pousser vers l'un des extrêmes : « L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête. » 
 
Or la religion se définit étymologiquement comme un lien. 
 
En effet le terme latin « religare » d'où elle est tirée désigne le lien entre le Créateur et sa créature particulièrement l'homme. 
 
Il n'y a nul doute que l'homme exprime les besoins innés qui le rapprochent des animaux, mais il est certain que sa grandeur demeure dans sa capacité de s'unir à Dieu et non au corps puisqu'il est tiraillé entre deux forces. 
 
C'est à ce propos que Nicolas Malebranche écrit dans son livre « Recherche de la vérité » : « L'esprit est situé entre Dieu et les corps, entre le bien et le mal, entre ce qui l'éclaire et ce qui l'aveugle, ce qui le règle et ce qui le dérègle, ce qui peut le rendre parfait et heureux et ce qui le peut rendre imparfait et malheureux.» 
 
C'est ainsi qu'on peut conclure avec Malebranche que la religion nous offre l'opportunité d'une élévation spirituelle vers Dieu pour dépasser notre condition animale qui nous tire vers la bassesse.
 
La religion demeure plus que souhaitable ; elle est nécessaire pour les raisons évoquées. 
 
En effet elle est le baromètre qui mesure l'ardente aspiration de l'homme à vivre au-delà d'une vie animale, une vie de débauche et de barbare. 
 
En plus elle manifeste surtout la volonté de l'homme à une élévation spirituelle qui le mènerait vers une vie éternelle. 
 
Toutefois cette vie éternelle auprès de Dieu que la religion brandit comme récompense ultime n'est-elle pas plutôt un mirage, un leurre pour empêcher l'homme de se référer à lui-même ?
$\bullet\ $L'antithèse : toutes les idées doivent aller dans le sens de soutenir l'objection qui est soulevée dans la dernière partie de la thèse.

Première idée :

La religion pousse à un délaissement et une fuite de responsabilité. 
 
Dans l'optique de nous faire comprendre que la vie humaine n'est que détresse et angoisse, la religion propose une paix intérieure et une protection ultime contre ces maux. 
 
Cette protection est un désir naturel et pressant dont l'homme ne peut pas faire abstraction ; créant chez l'homme un vide incommensurable. 
 
Or ce vide ne peut être comblé que par un Être omnipotent, omniscient et omniprésent incarné par Dieu et systématisé par la religion. 
 
La religion apparait alors comme un mécanisme inconscient pour combler un vide causé par un fort désir d'être protégé et aimé par un être superpuissant. 
 
Elle nous empêche de voir et d'affronter seul la réalité en donnant l'impression qu'un être superpuissant veille sur nous. 
 
Cette illusion conduit l'homme à un délaissement au point de fuir toute responsabilité en invoquant le destin. 
 
A cause de cette, la religion n'est pas souhaitable ; elle est un obstacle au progrès et la révolution du monde par l'acceptation qu'elle prône. 
 
Freud écrit : « Des réponses aux questions que se pose la curiosité humaine touchant ces énigmes : la genèse de l'univers, le rapport entre le corporel et le spirituel, s'élaborent suivant les prémisses du système religieux. 
 
Et c'est un formidable allègement pour l'âme individuelle que de voir les conflits de l'enfance émanés du complexe paternel »

Deuxième idée :

En privilégiant le monde « vrai » c'est à dire « l'autre monde ou le monde de l'au-delà », la religion est un vaste projet de destruction du monde réel qui est le nôtre.
 
Dans la mesure où elle vient plomber le monde réel grâce à la création de concepts religieux qui plongent l'homme dans la lâcheté et l'incertitude, la religion n'est nullement souhaitable. 
 
Nietzsche décrit le mécanisme corrosif de la religion lorsqu'il écrit : « Dans le christianisme, ni la morale, ni la religion ne sont en contact avec la réalité. 
 
Rien que des causes imaginaires (« Dieu », « l'âme », « moi », « esprit », « libre arbitre » $(\ldots)$ ; rien que des effets imaginaires (« le péché », « le salut », « la grâce », « l'expiation », « le pardon des péchés »). »
 
C'est parce qu'elle pose comme condition la soumission à une divinité, l'abstinence, la croyance religieuse reste une négation, une destruction de la vie et des plaisirs charnels.

Troisième idée : 

La religion est un facteur de blocage qui conduit à la lassitude cette lassitude est dû à une souffrance de se sentir incapable d'agir sur notre propre destin. 
 
Ce destin, selon la croyance religieuse, est préétabli et découle d'une loi divine et irréfragable. 
 
Bref, la soumission en une divinité est incompatible avec le refus de son sort. 
 
La religion nous pousse finalement à l'acceptation totale et à la léthargie face à la souffrance et la douleur. 
 
Tout se passe comme si la religion est là pour faire l'apologie de la douleur et de la misère. 
 
Ainsi, en brandissant le sentiment religieux, la société trouve ainsi une solution puisée de son imagination pour inhiber les inégalités et la frustration des individus. 
 
Karl Marx entend alors les affranchir de cette chaine que constitue la religion lorsqu'il écrit : « La détresse religieuse est, pour une part, l'expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. 
 
La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. 
 
Elle est l'opium du peuple »
 
La religion apparait sous un jour sombre avec Nietzsche et Freud car, nul doute, qu'elle incite à une vie d'acceptation et de résignation. 
 
Plus encore, elle cultive chez l'homme l'idée qu'il doit, par altruisme, faire passer les autres avant sa propre personne. 
 
L'égoïsme, l'orgueil, ambition, l'envie, etc. sont des qualités pour le développement personnelle que la religion ne cesse de décrier et de condamner.
 
$\bullet\ $La synthèse : les propos doivent aller dans le sens d'une analyse de l'argumentation de l'antithèse en vue de réaffirmer avec force les idées de la thèse.
 
La religion est présentée certes sous un aspect négatif par les athées ; mais il n'en demeure pas moins qu'elle contribue plus à la construction d'un monde meilleur qu'elle ne la bloque.
 
$\surd\ $De plus les arguments avancés par ses détracteurs nous laissent penser qu'une grande partie de la religion semble être mal interprétée ou méconnue. 
 
C'est ainsi que l'argumentation ontologique d'Aristote et de Descartes nous montre que nous ne pouvons pas ne pas évoquer une Divinité ou un Esprit comme une explication ultime de tous les mystères qui nous assaillent. 
 
Et parmi ces mystères les lancinantes questions métaphysiques comme celle de l'origine.
 
$\surd\ $Avec Schopenhauer nous savons que l'homme est un animal métaphysique qui s'étonne et s'inquiète de tout ce qui l'entoure. 
 
Ainsi aux questions que l'homme se pose et auxquelles il ne peut pas s'astreindre, seule la religion y apporte une réponse plausible.
 
La religion n'est nullement une négation de ce monde comme le souligne certains détracteurs. 
 
Au contraire, selon la religion, ce monde ci est le lieu où l'homme s'accomplit lui-même et réalise sa destinée et sa destination. 
 
Il est écrit dans le Livre saint du Coran : « Et recherche à travers ce qu'Allah t'a donné. La Demeure dernière. Et n'oublie pas ta part en cette vie. Et sois bienfaisant comme Allah a été bienfaisant en vers toi. Et ne cherche pas la corruption sur terre. Car Allah n'aime pas la corruption. » 
 
A travers ce verset $77$ de la sourate Al-qasas, on lit bien qu'Allah nous recommande de bien considérer l'importance du rôle que l'homme doit jouer dans cette vie.
 
Bref, pour toutes ces raisons nous sommes convaincus qu'il serait difficile de vivre dans un monde où les hommes n'ont aucune croyance religieuse.

$-\ $Troisième étape : la rédaction de la conclusion

Un monde sans religion n'est pas souhaitable. 
 
En effet il a été démontré que la religion est un principe de cohésion et de régulation sociale, une véritable barrière pour ne pas tomber dans les excès qui sont nuisibles à la paix et à l'équilibre mondial. 
 
Les facettes qu'on a pu présenter comme bloquants resteront minime comparés aux multiples avantages que nous procure la religion.
 
Avec le progrès, on découvre de plus en plus de vérités scientifiques cachées dans les Livres saints. 
 
Cette remarque nous pousse à se poser la question à savoir s'il ne serait pas temps de prendre la religion comme le principe de déontologie dans toutes activités humaines ?

Commentaires

C'est très excellent

C'est une bonne initiative...

C'est une bonne initiative...

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