Bac Français 2e groupe L 2024
Qu'ai-je donc ? C'est lui, lui, le Horla, qui me hante, qui me fait penser ces folies ! Il est en moi, il devient mon âme; je le tuerai ! Je le tuerai.
Je l'ai vu ! Je me suis assis hier soir, à ma table ; et je fis semblant d'écrire avec une grande attention.
Je savais bien qu'il viendrait rôder autour de moi, tout près, si près que je pourrais peut-être le toucher, le saisir ?
Et alors ! ... alors, j'aurais la force des désespérés ; j'aurais mes mains, mes genoux, ma poitrine, mon front, mes dents pour l'étrangler, l'écraser, le mordre, le déchirer.
Et je le guettais de tous mes organes surexcités.
J'avais allumé mes deux lampes et les huit bougies de ma cheminée, comme si j'eusse pu, dans cette clarté, le découvrir.
En face de moi, mon lit, un vieux lit de chêne à colonnes ; à droite, ma cheminée ; à gauche ma porte fermée avec soin, après l'avoir laissée longtemps ouverte, afin de l'attirer : derrière moi, une très haute armoire à glace, qui me servait chaque jour pour me raser, pour m'habiller, et où j'avais coutume de me regarder, de la tête aux pieds, chaque fois que je passais devant.
Donc je faisais semblant d'écrire, pour le tromper, car il m'épiait lui aussi ; et soudain, je sentis, je fus certain qu'il lisait par-dessus mon épaule, qu'il était là, frôlant mon oreille.
Je me dressai, les mains tendues, en me tournant si vite que je faillis tomber.
Eh bien ? ... on y voyait comme en plein jour, et je ne me vis pas dans ma glace !... Elle était vide, claire, profonde, pleine de lumière ! Mon image n'était pas dedans... et j'étais en face, moi ! Je voyais le grand verre limpide du haut en bas.
Et je regardais cela avec des yeux affolés ; et je n'osais plus avancer, je n'osais plus faire un mouvement, sentant bien pourtant qu'il était là, mais qu'il m'échapperait encore, lui dont le corps imperceptible avait dévoré mon reflet.
Comme j'eus peur ! Puis voilà que tout à coup je commençai à m'apercevoir dans une brume, au fond du miroir, dans une brume comme à travers une nappe d'eau ; et il me semblait que cette eau glissait de gauche à droite, lentement, rendant plus précise mon image, de seconde en seconde.
C'était comme la fin d'une éclipse.
Ce qui me cachait ne paraissait point posséder de contours nettement arrêtés, mais une sorte de transparence opaque, s'éclaircissant peu à peu.
Je pus enfin me distinguer complètement, ainsi que je le fais chaque jour en me regardant.
Je l'avais vu ! L'épouvante m'en est restée, qui me fait encore frissonner.
Guy de Maupassant, Le Horla $(1886)$
Questions
1. Relevez :
a. un passage descriptif
b. un passage narratif
2. Quel est le champ lexical dominant dans le texte ? Relevez quatre $(04)$ mots le justifiant.
3. Nommez la figure de style contenue dans l'expression suivante : « une sorte de transparence opaque ».
4. Donnez la nature et la fonction des mots soulignés dans le texte.
5. Faites l'analyse logique de la phrase suivante : « Je me dressai, les mains tendues, en me tournant si vite que je faillis tomber ».
6. « Je me suis assis. »
a. A quelle catégorie de verbe pronominal appartient ce verbe ?
b. Mettez le verbe au passé simple puis au présent du subjonctif sans changer la personne.
7. Dans un paragraphe argumentatif bien structuré, démontrez que l'être dont parle le narrateur est un être surnaturel.
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