Conscient - Inconscient - TL

 

Introduction

Agir, sentir, ou penser et savoir qu'on agit, qu'on sent et qu'on pense n'est-ce pas ça être conscient ?
 
Étymologiquement, le mot conscience signifie "savoir ensemble", "savoir assembler" (cum scientia). Au sens général, la conscience est le savoir intérieur immédiat que l'homme possède de ses propres pensées, sentiments et actes. Elle est un certain rapport de soi à soi ou une présence à soi de son esprit ou de son âme. C'est une faculté qui permet à la fois de saisir ce qui se passe en nous et hors de nous.
 
La conscience donne ainsi lieu à plusieurs catégories de connaissances.
 
L'homme, dans la mesure où il est conscient, c'est-à-dire capable de se prendre lui même pour objet de pensée, n'est plus simplement dans le monde comme une chose ou un simple être vivant, mais il est au contraire devant la monde.
 
La conscience, c'est la distance qui existe entre moi et moi même et entre moi et le monde. Mais il se produit en nous des phénomènes psychiques dont nous n'avons pas conscience, amis qui déterminent certains de nos actes conscients. Cela relève de la part inconsciente de notre personnalité qui entre en jeu.

I. La conscience

La conscience peut être définie comme la connaissance plus ou moins claire qu'un sujet a de ses états, de ses pensées et de lui même. C'est donc la connaissance de soi et du monde.
 
La conscience désigne le savoir que le sujet a de ses différentes opérations. On peut distinguer deux niveaux de conscience : la conscience psychologique et la conscience morale.
 
$-\ $ La conscience psychologique se subdivise en deux moments que sont : la conscience directe (conscience spontanée) et la conscience indirecte (conscience réfléchie).
 
$\centerdot\ $ La conscience directe ou spontanée est la connaissance que nous avons de ce que nous faisons. C'est quand la conscience ne se pose pas elle même comme objet de son investigation.
 
$\centerdot\ $ La conscience indirecte ou réfléchie correspond au dédoublement du sujet se saisissant lui même en tant que conscience. La conscience indirecte est ce retour de l'esprit sur lui même par lequel il se rend compte de son propre contenu.
 
$-\ $ La conscience morale quant à elle exprime notre faculté de juger, notre aptitude à distinguer le bien du mal. Cette conscience morale, Rousseau l'assimile à un principe inné. Elle serait la marque du devin en nous, cette voix intérieure qu'il nous suffit d'écouter pour agir moralement.
 
Dans tous les cas, la conscience est ce qui définit l'homme ; si l'animal en reste au simple sentiment de soi et à l'expérience spontanée où n'émerge pas le moi, l'homme se saisit au contraire comme moi, il est conscient de soi.
 
D'après Pascal, la conscience fait la grandeur de l'homme parce qu'elle rend l'homme responsable de ses actes. La conscience définit l'essence de l'homme et en fait sa dignité.
 
J'ai conscience de ce que je fais et peux en répondre devant le tribunal de ma conscience et de celui des hommes.
 
Seul l'homme a accès à la dimension de la spiritualité et de la moralité. Mais, parce que la conscience l'arrache à l'innocence du monde, l'homme connait aussi par elle sa misère, sa disproportion à l'égard de l'univers et surtout le fait qu'il devra mourir.
 
Cependant, avoir conscience de soi, ce n'est pas lire en soi comme dans un livre ouvert ; savoir que j'existe ce n'est pas encore connaitre qui je suis. Davantage même, c'est parce que je suis un être de conscience que je peux me tromper sur ma condition, m'illusionner et me méconnaitre : un animal dénué de conscience ne saurait se mentir en soi même.

I.1. Les problèmes de la consciences chez Descartes

Historiquement, c'est Descartes, en effet, qui a posé la conscience de soi somme la terre natale de la vérité, comme cette certitude résistant au doute et permettant d'avancer dans la voie de la recherche de la vérité à partir d'un point fixe et assuré. Je peux me tromper de la connaissance que je crois avoir de moi (celui qui croyait être courageux peut s'avérer n'être qu'un lâche) mais, la pure conscience d'être est nécessairement vraie.
 
Ainsi, Descartes, au terme de la démarche du doute méthodique, découvre le caractère absolument certain de l'existence du sujet : "je pense donc je suis".
 
Cette certitude demeure et rien ne peut la remettre en cause.
 
Descartes fait alors du phénomène de la conscience de soi le fondement inébranlable de la vérité, sur lequel toute connaissance doit prendre modèle pour s'édifier.
 
Que je sois certain que j'existe ; ne me dit pas encore qui je suis. Descartes répond que je suis "une substance pensante" pourtant en faisant de la conscience une "chose" existant indépendamment du corps et replier sur elle même, Descartes ne manque-il pas la nature même de la conscience, comme ouverture sur le monde et sur soi.
 
Donc, pour Descartes, la conscience est une substance autonome sans aucun support matériel : elle n'a besoin ni du monde extérieur ni de mon corps pour exister.
 
C'est précisément contre cette conception de la conscience que va s'élever la critique de la phénoménologie de Husserl, de Sartre et des philosophes du soupçon (Marx, Nietzsche et Freud).

I.2. Le procès de la conscience

La phénoménologie de Husserl va montrer, en effet, que la conscience est toujours la mise en relation d'un sujet pensant et d'un objet pensé, en d'autres termes, toute conscience est conscience de quelque chose. Cela signifie que la conscience ne coïncide jamais pleinement avec elle même, elle est toujours la visée d'un objet extérieur. Ce qui s'appelle l'intentionnalité de la conscience.
 
Dans la même perspective, les analyses de J.P. Sartre visent à montrer que la conscience ne contient rien par elle même, elle est informée du point de vue de son contenu par le monde extérieur.
 
Donc, pour Husserl, la conscience est non une chose ou une substance, mais une activité de projection vers les choses. Elle est une visée intentionnelle. C'est ce que Bergson affirme en disant que "la conscience est un pont jeté entre le passé et l'avenir" ; en d'autres termes, "pour un être conscient, exister consiste à changer".
 
Pour K. Marx, la conscience n'est pas une réalité inscrite en dehors du monde comme le pense Descartes. Pour Marx, la conscience est déterminée par les conditions d'existence des hommes. En d'autres termes, les contenus de notre conscience sont inséparables des conditions de notre vie réelle : exemple, c'est notre situation socio-économique qui commande vision du monde et notre conscience.
 
Selon Marx, la conscience n'est que "le reflet du monde matériel" dans lequel nous vivons : "ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, c'est la vie qui détermine la conscience.
 
Quant à Nietzsche, il montre que la conscience est la partie la plus insignifiante en l'homme ; selon lui, l'homme est d'abord un réservoir d'instincts, de sentiments et de désirs contrairement à Platon qui nous invite au neutre du corps. Ainsi, "toute notre vie pourrait se dérouler sans que ceci ai besoin d'entrer dans la conscience".
 
Selon Freud, la conscience n'est que la face visible de l'iceberg ; en effet, l'homme est surtout déterminé par cette autre face cachée de nous même qui est l'inconscient.
 
Avec la découverte de l'inconscient "le moi n'est plus maître dans sa demeure". Cela signifie que la conscience se voit détrôner au profit de ce que Husserl appelle le continent inconscient.

I.3. Le problème de l'identité personnelle

Qui suis-je ? qu'est ce qui fait mon identité ? On pourra être tenté de répondre que c'est mon apparence physique, en particulier mon visage. seulement mes traits changent avec le temps, au point qu'un ami perdu de vue aura du mal à me reconnaitre après une longue absence. "Celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté l'aime-t-il ? Non, car la petite vérole qui tuera la beauté sans tuer la personne fera qu'il l'aimera plus" Pascale - pensées 323 br.
 
La personne ne se réduit donc pas à l'apparence physique mais plutôt à quelque chose d'intérieur, ce qu'on appelle la personnalité. Certes, mon caractère peut changer lui aussi, mais on pourrait supposer l'existence d'un noyau stable qu'on pourra appeler le $\text{Moi}.$ Si j'ai conscience d'une identité, il faut donc en chercher l'origine dans la conscience plutôt que dans le corps. Plutôt dans ce $"\text{Je}"$ sujet de pensée et d'action qui commande au corps.
 
Moi seul peux donc savoir qui je suis. En effet, ce que je donne à voir à mon entourage, cela est-il vraiment moi ? Ne sont-ils pas seulement des apparences ? Il de peut que je porte un masque. Le vrai "moi" est caché. L'intériorité de ma conscience est inaccessible et impénétrable. Ma subjectivité est comme une forteresse où je peux me réfugier. "Mon jardin secret est une prison" disait Gaston Berger, ce que confirme Levinas "tout homme est nécessairement un étranger pour les autres.

a) Conscience et pensée

Descartes établit l'équivalence de la conscience avec la pensée. Descartes nous dit que tout acte intellectuel, donc toute pensée est nécessairement accompagné de conscience. Toute pensée est nécessairement consciente d'elle-même. Il n'y a pas de pensées inconscientes. Une pensée inconsciente est impensable.
En effet, la conscience est l'essence de l'âme. L'âme se définit par la pensée, je peux m'imaginer sans corps, sans perception du monde extérieur, amis sans pensée.
 
Si la consciente est une sorte de connaissance intérieure, il doit être passible de se livrer à une psychologie à la première personne ; ce qu'on appelle l'introspection, à savoir la connaissance de soi par soi.
 
La difficulté à se connaitre soi-même due aux obstacles de l'introspection engendre des problèmes de sincérité et de mauvaise foi. Il est vrai que je fais l'expérience d'un changement continu. Mais, chacun a aussi bien le sentiment d'une identité personnelle. Chacun a conscience malgré ce changement, de rester le même d'un bout à l'autre de sa vie. Ce que confirme Descartes quand il dit que le "moi" reste inchangé pendant le sommeil de sorte que je conserve mon identité le réveil.
 
Pour Hume, le "moi" est un mot vide, je ne suis rien qu'une somme de perceptions.
 
Selon Sartre, le "moi" se dissout en une multiplicité du dedans, "l'homme n'est rien : il coule comme un fromage".

b) Peut-on parler d'une conscience animale ?

Les animaux les plus proches de l'homme, notamment les animaux domestiques passent une vie intérieure riche sans quoi, le cirque n'existerait pas. L'animal exprime ses besoins : soif, faim etc... Il sait tout ça mais il ne sait pas qu'il le sait. La conscience ce n'est pas seulement savoir, c'est savoir qu'on sait. L'animal est prisonnier de son corps alors que la conscience libère l'homme de son corps. C'est ce qui a valu à Platon de dire que "la pensée libère de la prison du corps".
 
Kant écrit à ce propos "posséder le Je élève l'homme au dessus de tous les autres êtres vivants".
 
Dans le même sens, Pascale affirme que "penser fait la grandeur de l'homme. L'homme n'est qu'un roseau pensant. Toute notre dignité consiste donc en la pensée". Ainsi, la pensée donne à l'homme une dignité particulière par rapport à toutes les autres espèces animales.
 
Mais, selon Leibniz, avec ses petites perceptions inconscientes, la conscience se voit détrôner dans sa demeure par l'inconscience.

II. L'hypothèse de l'inconscient

La notion d'inconscient est équivoque. La conscience est-elle la seule forme de psychisme, c'est à dire de vie mentale ? Le quotidien semble démentir cette hypothèse. C'est ainsi que le langage courant utilise fréquemment le terme d'inconscient dans des circonstances différentes. C'est ainsi qu'on dira d'une personne qui tombe dans le coma qu'elle est inconsciente.
 
A notre époque, la psychologie utilise le terme en lui affectant un autre sens. C'est ainsi, qu'un sujet peut être conscient des actes qu'il accomplisse sans en connaitre les véritables motivations.
 
D'après Freud, l'inconscient est le résultat d'un refoulement : ensemble d'éléments perçus mais censurés par l'expérience inaccessible à la conscience.

II.1. L'émergence du principe d'inconscient

Dès la philosophie de l'antiquité on peut trouver trace du principe d'inconscient. Ainsi, chez Platon, le principe de la réminiscence atteste donc de l'existence d'une idée d'inconscient.
 
Bien que Platon ne le nomme jamais ainsi, les idées d'inconscient qui parcourent l'antiquité vont trouver à se préciser particulièrement à travers les investigations de Leibniz, bien que lui aussi ne fasse jamais expressément usage du terme d'inconscient à travers la notion de petites perceptions.
 
Le conscient nait de l'inconscient. C'est à partir de petites perceptions que se constituent nos perceptions réfléchies. En cette occasion Leibniz prend l'exemple du bruit des vagues. Mais, c'est à travers les travaux de psychanalyse de Sigmund Freud $(1856\ -\ 1939)$ que la notion d'inconscient va trouver à se définir et à se circonscrire pleinement.

II.2. L'inconscient de Sigmund Freud

Chez Freud, l'inconscient n'est pas seulement une présence diffuse qui affecte la pensée et le corps, il est doté d'une véritable structure bien distincte de la conscience et possédant ses propres logiques. L'inconscient est ici une entité à part entière d'un appareil psychique que Freud configurera de deux manières différentes appelées topiques.
 
$-\ $ Le rôle de la sexualité (libido) dans l'inconscient psychique
 
En effet, l'opinion conçoit la sexualité comme l'ensemble des comportements relatifs aux relations intimes.
 
Freud, pour sa part, attribue à ce terme un sens beaucoup plus large mais aussi une fonction beaucoup plus importante dans le développement de l'individu. La sexualité ou libido revoie à l'ensemble des satisfactions sensuelles apportées par le contact avec le corps d'autrui ou son propre corps mais associées étroitement avec des émotions psychiques très fortes liées au besoin de sécurité, d'aimer et d'être aimer voire reconnu. De ce fait, la sexualité ou libido concerne les phénomènes affectifs associés aux plaisirs sensuels.
 
$-\ $ Les manifestations de l'inconscient
Les actes manqués sont des actes involontaires (maladresse, lapsus, erreurs d'écriture) qui traduisent et prouvent la présence de l'inconscient et du refoulement.
 
D'après Freud, l'analyse de ces éléments apparemment sans importance permet de connaitre les êtres de façon intime, car ils sont l'irruption de l'inconscient.
 
Le rêve qui est la voie royale menant à l'inconscient est loin d'être irrationnelle : c'est au contraire un exécutoire de l'inconscient et son analyse permet de démêler le désir refoulé qui s'y exprimé mais déguisé.
 
Des significations inconscientes vont expliquer ce que représente le rêve sous son déguisement, déformation du ça que la conscience refuse d'admettre. Les manifestations pathologiques se caractérisent par les névroses (phobie, peur irrationnelle etc...) et la psychose qu'on assimile à la folie.

a) Les topiques freudiennes

 
$-\ $ La première topique
 
Dans la première topique de Freud l'appareil psychique se compose du conscient, du pré-conscient, de la censure et de l'inconscient.
 
Le conscient est ce qui lie le monde extérieur et le monde intérieur. Il est conduit par la raison et le refoulement des excitations, des désirs et des pulsions.
 
Le pré-conscient avise le conscient de ces excitations sensibles.
 
La censure est l'instance chargée de prémunir le conscient.
 
Enfin, l'inconscient qui se compose de tous les désirs et pulsions refoulés.
 
$-\ $ La deuxième topique
 
Elle est composée du ça, du moi et du surmoi. Le ça est totalement inconscient ; ce sont les désirs et les pulsions (libido et pulsion de mort), le moi est conscient et le surmoi désigne l'instance psychique inconsciente, exprime la puissance des interdits (interdits parentales, interdits sociaux.
 
Le surmoi interdit ou autorise les actes du moi. Le moi se défend contre les pulsions du ça et les exigences du surmoi. L'inconscient a permis d'expliquer les éléments obscurs et irrationnels (rêves, actes, comportements).
 
C'est une avancée irréversible, il est le philosophe ayant déchiffré le sens caché derrière le sens apparent. La psychanalyse qui est une sorte de guérison par l'esprit, prend la place de l'hypnose qui s'avère être inefficace.

b) Procès de l'inconscient

Alain, en ne démentant pas l'importance de l'inconscient, dénonce l'abandon total à la recherche de cet inconscient. Il est préférable de s'en tenir au "je" conscient et base du sujet.
 
Pour Alain, l'inconscient, l'inaccessible ne sont que des mythes de l'irresponsabilité.
 
Comme Alain, Sartre critique Freud en posant que l'inconscient, bien que présent, n'a pas une grande influence sur nos actes dont nous devions endosser la responsabilité. Pour refouler il est nécessaire que la conscience connaisse ce qu'elle refoule. Dans ce cas, l'inconscient n'existe pas, ce ne sont que les manifestations de la mauvaise foi qui la constituent (mensonge, acte de dissimuler le vrai).
 
Ainsi, la liberté de la conscience est conservée d'après J-P Sartre.

Conclusion

Selon Freud, le savoir humain a été décentré trois fois, Copernic, Darwin et lui même avec l'inconscient. Le moi est un lien avec les profondeurs de l'inconscient ; mais il ne faut pas s'y plonger.
 
La psychanalyse a pour but de rendre au sujet ayant été aliéné, sa liberté, son entièreté en comprenant l'inconscient malgré les contestations.
 
La querelle n'est pas close ; psychologiques, psychanalystes et philosophie de l'esprit n'abandonnent pas la partie.
 
Faut-il se lasser anesthésier ou apprendre à résoudre les conflits psychiques et sociaux ?
 
Sauver l'esprit ; c'est sauver la dimension symbolique, morale et juridique de l'homme.
 
 
 
Auteur: 
Lamine Faye

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