Langage et communication
Position du problème
Qu’est-ce que le langage d’une manière générale? Et qu’est-ce qui fait le caractère spécifique du langage proprement humain ?
En dehors de la communication, quelles sont les autres fonctions du langage humain ? Qu’est-ce que la communication d’ailleurs? Cette première fonction qu’est la communication est-elle bien remplie par le langage humain ? Quels sont les problèmes, les faiblesses et les forces du langage ?
Ces différentes questions tournent autour d’une question essentielle à savoir la nature du rapport qui existe entre le langage et la pensée. En effet il s’agit de savoir si le langage traduit ou trahit la pensée. Autrement dit la question est : les signes linguistiques sont-ils arbitraires et conventionnels ou, au contraire, sont-ils naturels et essentiels ?
I Les caractéristiques du langage humain
Le langage d’une manière générale se définit comme tout système de signes pouvant servir de communication. Cette définition vaste pose comme première fonction du langage la communication. La communication est conçue comme un échange d’information entre les membres d’un groupe déterminé. En effet il y a communication si et seulement si le récepteur (destinataire de l’information) est capable de déchiffrer un message qu’il reçoit d’un émetteur (source de l’information). Donc la communication pose quatre conditions sine qua non que sont : l’existence d’un émetteur et d’un récepteur, celle d’un message véhiculé et sa possibilité d’être décodé. Dans cette perspective, même les animaux semblent disposer d’un langage c’est-à-dire un système de communication qui leur est propre. En réalité certains animaux comme les abeilles et les baleines possèdent un système de signes et de signaux assez complexe pour exprimer différentes émotions mais aussi pour livrer un certain nombre d’informations à leurs congénères. Ainsi plusieurs moyens de communication peuvent être soulignés dont nous pouvons citer la peinture, la danse, l’écriture, la musique, l’expression du visage, l’habillement, la coiffure, la parole, le silence…
Face à cette diversité des moyens de communiquer la question est : quelle est la modalité la plus apte pour communiquer ? Autrement dit la question est de déterminer le système de communication qui présente plus d’avantages et moins de faiblesses. Le langage animal que nous rangeons dans l’ordre des systèmes de communication représentatifs revêt des limites considérables.
Face à cette diversité des moyens de communiquer la question est : quelle est la modalité la plus apte pour communiquer ? Autrement dit la question est de déterminer le système de communication qui présente plus d’avantages et moins de faiblesses. Le langage animal que nous rangeons dans l’ordre des systèmes de communication représentatifs revêt des limites considérables.
a) Les limites du langage représentatif
Nous notons d’ailleurs deux catégories de signes : les signes naturels et les signes intentionnels. Les signes naturels sont des phénomènes de la nature auxquels nous donnons une signification. Ainsi le phénomène et la réalité à laquelle le signe naturel renvoie sont dans une relation d’extériorité et d’une libre association. De plus il n’y a communication que lorsqu’il y a une intention manifeste de l’émetteur à véhiculer une information. Par exemple d’un ciel nuageux, nous interprétons qu’il annonce la pluie. Seulement il n’y a pas une intention du ciel de communiquer et que la pluie ne succède pas impérativement et irréversiblement aux nuages. A la différence des signes naturels, les gestes comme le son articulé sont des signes intentionnels de communication.
Le geste est conçu comme tout mouvement volontaire d’un corps visant à représenter, à exprimer une idée, un sentiment ou une attitude. C’est dans cet ordre d’idées que le langage animal, foncièrement gestuel ou représentatif, présente un certain nombre d’insuffisances. Ainsi une nette démarcation entre la communication animale et la communication humaine se dessine. En effet le langage humain se différencie du langage animal par sa capacité d’articulation grâce à un « appareil vocal ». C’est parce que le langage humain exige l’audition d’un son articulé par la voix qu’on le désigne par un signe linguistique. Le signe de communication linguistique est foncièrement humain et se distingue essentiellement de tout autre signe et particulièrement des gestes. En plus de l’impossibilité de s’adresser à l’absent, l’obscurité ou l’interposition d’un corps entre l’émetteur et le récepteur rendent la communication gestuelle nulle et sans effet. C’est dans ce sens que Emile Benveniste souligne les limites du langage gestuel et par conséquent les insuffisances du langage animal lorsqu’il écrit : « N’étant pas vocale mais gestuelle, la communication chez les abeilles s’effectue nécessairement dans des conditions qui permettent une perception visuelle, sous l’éclairage du jour ; elle ne peut avoir lieu dans l’obscurité. Le langage humain ne connait pas cette limitation ».
En outre, le langage animal ne peut en aucune manière signifier une idée complexe. La fonction essentielle du langage animal est de symboliser. Or le symbole selon André Lalande est « Ce qui représente autre chose en vertu d'une correspondance analogique ». La symbolisation consiste donc à matérialiser ou à évoquer quelque chose d’abstrait en le comparant à une réalité concrète. Dans la mesure où il procède d’une métaphore ou d’une image qui revoie à une autre, le symbole est susceptible de plusieurs interprétations, que soit sur le plan réaliste ou sur le plan des idées. Par conséquent signifier est fort différent de symboliser dans la mesure où il y a une implication de sens qui est intrinsèquement lié à cette association d’un signifié et d’un signifiant. Au lieu d’une métaphore à laquelle le symbole renvoie, signifier renvoie plutôt à une unité linguistique formée d'une partie sensible ou signifiant tels que les sons ou les lettres et d'une partie abstraite ou signifié calqué sur l’idée ou la réalité. C’est ainsi que Claude Hagège souligne que ce qui distingue l’homme de l’animal ce n’est ni l’intelligence, ni la conscience, ni la capacité de parler en l’absence mais sa capacité à signifier. Il écrit « Aptitude à signifier et non pas seulement à symboliser. D’autres activités humaines, celles de l’art essentiellement, sont de symbolisation. Les conduites de langage, elles sont, à la lettre, signi-fiantes, c’est-à-dire qu’elles produisent des signes ». Signifier, selon lui, c’est user de signes intentionnels pour transmettre des messages complexes. Et cela a sa source dans une intelligence conceptuelle. En effet l’intelligence conceptuelle est cette aptitude dont seul homme dispose afin d’élaborer et d’employer des notions abstraites. En dehors de l’intelligence conceptuelle, l’homme dispose également d’une intelligence sensori-motrice qu’il partage avec les animaux. L’intelligence sensori-motrice est l’aptitude à résoudre concrètement des problèmes pratiques. C’est à partir de cette distinction d’ailleurs que nous pouvons délimiter, avec les linguistes, que c’est la langue qui constitue le centre de l’étude de la communication humaine. La langue, en effet, est la partie humaine du langage et appartient à l’ensemble des individus membres d’un groupe social déterminé. La parole qui est la partie individuelle de la langue dispose alors de plusieurs atouts.
Le geste est conçu comme tout mouvement volontaire d’un corps visant à représenter, à exprimer une idée, un sentiment ou une attitude. C’est dans cet ordre d’idées que le langage animal, foncièrement gestuel ou représentatif, présente un certain nombre d’insuffisances. Ainsi une nette démarcation entre la communication animale et la communication humaine se dessine. En effet le langage humain se différencie du langage animal par sa capacité d’articulation grâce à un « appareil vocal ». C’est parce que le langage humain exige l’audition d’un son articulé par la voix qu’on le désigne par un signe linguistique. Le signe de communication linguistique est foncièrement humain et se distingue essentiellement de tout autre signe et particulièrement des gestes. En plus de l’impossibilité de s’adresser à l’absent, l’obscurité ou l’interposition d’un corps entre l’émetteur et le récepteur rendent la communication gestuelle nulle et sans effet. C’est dans ce sens que Emile Benveniste souligne les limites du langage gestuel et par conséquent les insuffisances du langage animal lorsqu’il écrit : « N’étant pas vocale mais gestuelle, la communication chez les abeilles s’effectue nécessairement dans des conditions qui permettent une perception visuelle, sous l’éclairage du jour ; elle ne peut avoir lieu dans l’obscurité. Le langage humain ne connait pas cette limitation ».
En outre, le langage animal ne peut en aucune manière signifier une idée complexe. La fonction essentielle du langage animal est de symboliser. Or le symbole selon André Lalande est « Ce qui représente autre chose en vertu d'une correspondance analogique ». La symbolisation consiste donc à matérialiser ou à évoquer quelque chose d’abstrait en le comparant à une réalité concrète. Dans la mesure où il procède d’une métaphore ou d’une image qui revoie à une autre, le symbole est susceptible de plusieurs interprétations, que soit sur le plan réaliste ou sur le plan des idées. Par conséquent signifier est fort différent de symboliser dans la mesure où il y a une implication de sens qui est intrinsèquement lié à cette association d’un signifié et d’un signifiant. Au lieu d’une métaphore à laquelle le symbole renvoie, signifier renvoie plutôt à une unité linguistique formée d'une partie sensible ou signifiant tels que les sons ou les lettres et d'une partie abstraite ou signifié calqué sur l’idée ou la réalité. C’est ainsi que Claude Hagège souligne que ce qui distingue l’homme de l’animal ce n’est ni l’intelligence, ni la conscience, ni la capacité de parler en l’absence mais sa capacité à signifier. Il écrit « Aptitude à signifier et non pas seulement à symboliser. D’autres activités humaines, celles de l’art essentiellement, sont de symbolisation. Les conduites de langage, elles sont, à la lettre, signi-fiantes, c’est-à-dire qu’elles produisent des signes ». Signifier, selon lui, c’est user de signes intentionnels pour transmettre des messages complexes. Et cela a sa source dans une intelligence conceptuelle. En effet l’intelligence conceptuelle est cette aptitude dont seul homme dispose afin d’élaborer et d’employer des notions abstraites. En dehors de l’intelligence conceptuelle, l’homme dispose également d’une intelligence sensori-motrice qu’il partage avec les animaux. L’intelligence sensori-motrice est l’aptitude à résoudre concrètement des problèmes pratiques. C’est à partir de cette distinction d’ailleurs que nous pouvons délimiter, avec les linguistes, que c’est la langue qui constitue le centre de l’étude de la communication humaine. La langue, en effet, est la partie humaine du langage et appartient à l’ensemble des individus membres d’un groupe social déterminé. La parole qui est la partie individuelle de la langue dispose alors de plusieurs atouts.
b) Les avantages de la parole
Le langage animal relève de l’aspect biologique et s’inscrit dans l’ordre de la nature tandis que le langage humain est un fait de la culture puisqu’il provient de l’héritage d’un groupe social. La langue, plus qu’un simple phénomène culturel, coïncide d’ailleurs avec la culture. On note ainsi un double avantage de la langue ou de la parole qui en est sa partie individuelle :
D’une part elle sépare la communication animale de celle dite humaine ; et d’autre part elle délimite une culture d’une autre culture. Norbert Wiener souligne ces deux aspects du langage humain ainsi : « Ce caractère de la parole, à savoir qu’elle est propre à l’homme en tant qu’homme, mais qu’aussi elle lui est propre en tant que membre d’une société déterminée est un fait très remarquable ». La langue est donc une institution sociale variable comme tout autre élément culturel au moment où la communication animale n’évolue pas et demeure pareille pour toute l’espèce. Elle s’impose à chaque nouveau membre par le biais de l’éducation qui véhicule les normes linguistiques et ainsi elle participe à la formation de la personnalité. La langue, objet d’étude de la linguistique, trace pour chaque société des structures et des tournures pour penser et exprimer la réalité dans sa diversité et sa complexité. En plus de cet avantage, la parole offre à l’homme des moyens pédagogiques permettant une étude anticipée et une emprise sur des phénomènes prévisibles. Jacques Maquet souligne le double avantage de la langue ainsi : « La langue est une partie de toute culture. [… ] elle fournit des catégories à travers lesquelles le monde est perçu, elle est le véhicule d’enseignement qui permet d’apprendre autrement que par l’exemple ».
C’est toujours le langage humain seul qui offre la possibilité de dialoguer. Si le langage animal se limite à un rapport fixe entre l’émetteur et le récepteur comme une opération physico-chimique d’Excitation/ Réaction, son déficit s’explique par l’absence de dialogue dans lequel la suite logique ne serait pas prévisible. Or en plus de communiquer, le dialogue exige l’interchangeabilité de l’émetteur et du récepteur. Jürgen Habermas souligne l’importance des interactions dans toute activité communicationnelle laquelle se distingue de l’activité stratégique. Donc Le dialogue, dont l’essence est l’échange linguistique, est déjà impliqué dans la théorie communicationnelle de Habermas. En effet, dans l’activité communicationnelle, la coordination et l’entente ne peuvent être obtenues que par le dialogue. Il écrit alors : « J’appelle communicationnelles, les interactions dans lesquelles les participants sont d’accord pour coordonner en bonne intelligence leurs plans d’action ; l’entente ainsi obtenue se trouve déterminée à la mesure de la reconnaissance intersubjective des exigences de validité ».
L’écrit et l’oral qui composent les deux formes d’expression de la langue offre simultanément tous ces avantages tels que le dialogue et le moyen d’apprentissage. L’écrit, en plus de ces avantages constitue sans conteste le moyen le plus sûr de conserver le passé. D’ailleurs l’histoire en tant science digne de ce nom a commencé avec l’écriture. Même si certaines cultures marquées par l’oralité, comme celles de l’Afrique, dispose de mécanismes plus moins sûrs de conservation de leur passé, il n’en demeure pas que l’écrit a cet atout de ne pas se faire trahir par la mémoire collective. Il en ressort que l’histoire au même titre que les documents administratifs ne sont authentiques que par l’écrit. Maurice Halbwachs souligne l’avantage de l’écrit sur l’oral en ce qui concerne la conservation du passé : « Quand la mémoire d’une suite d’événements n’a plus pour support un groupe (…..), alors le seul moyen de sauver de tels souvenirs, c’est de les fixer par écrit en une narration suivie puisque, tandis que les paroles et les pensées meurent, les écrits restent ». Partant de cet avantage, doit-on privilégier l’écrit sur l’oral ? L’écrit, ayant fait son apparition en un moment donné de l’histoire, ne peut pas constituer un critère déterminant pour fonder une culture. Un fait hautement culturel qu’est la philosophie, à ses débuts, a dû s’exercer oralement.
Devant l’inertie et la répétition (la tautologie) de l’écriture, Socrate a récusé avec énergie celle-ci en ces termes : « Il y a quelque chose de redoutable dans l’écriture, et de vraiment semblable à la peinture, dont les produits se dressent comme s’ils vivaient mais qu’on leur pose une question, ils gardent le plus vénérable silence ». Alors que l’oralité garde la pensée vivante, énergique et spontanée, l’écriture quant à elle rend la pensée morte et ne permet au dialogue de s’enrichir. De plus, pour des raisons linguistiques, l’oral a aussi un avantage sur l’écrit puisque l’apprentissage d’une langue passe nécessairement par la découverte de la façon dont les mots sont prononcés. C’est parce que la phonétique, en transcrivant les sons, demeure une partie importante de la linguistique qu’elle seule permet une bonne maîtrise de la langue.
Toutefois le face à face qu’implique la communication orale peut constituer un blocage psychologique pour exprimer fidèlement nos pensées. C’est parce qu’on ne peut pas tout dire et que la parole est parfois un obstacle à la communication que André Comte-Sponville conseille de s’écrire plutôt que de se parler.
D’une part elle sépare la communication animale de celle dite humaine ; et d’autre part elle délimite une culture d’une autre culture. Norbert Wiener souligne ces deux aspects du langage humain ainsi : « Ce caractère de la parole, à savoir qu’elle est propre à l’homme en tant qu’homme, mais qu’aussi elle lui est propre en tant que membre d’une société déterminée est un fait très remarquable ». La langue est donc une institution sociale variable comme tout autre élément culturel au moment où la communication animale n’évolue pas et demeure pareille pour toute l’espèce. Elle s’impose à chaque nouveau membre par le biais de l’éducation qui véhicule les normes linguistiques et ainsi elle participe à la formation de la personnalité. La langue, objet d’étude de la linguistique, trace pour chaque société des structures et des tournures pour penser et exprimer la réalité dans sa diversité et sa complexité. En plus de cet avantage, la parole offre à l’homme des moyens pédagogiques permettant une étude anticipée et une emprise sur des phénomènes prévisibles. Jacques Maquet souligne le double avantage de la langue ainsi : « La langue est une partie de toute culture. [… ] elle fournit des catégories à travers lesquelles le monde est perçu, elle est le véhicule d’enseignement qui permet d’apprendre autrement que par l’exemple ».
C’est toujours le langage humain seul qui offre la possibilité de dialoguer. Si le langage animal se limite à un rapport fixe entre l’émetteur et le récepteur comme une opération physico-chimique d’Excitation/ Réaction, son déficit s’explique par l’absence de dialogue dans lequel la suite logique ne serait pas prévisible. Or en plus de communiquer, le dialogue exige l’interchangeabilité de l’émetteur et du récepteur. Jürgen Habermas souligne l’importance des interactions dans toute activité communicationnelle laquelle se distingue de l’activité stratégique. Donc Le dialogue, dont l’essence est l’échange linguistique, est déjà impliqué dans la théorie communicationnelle de Habermas. En effet, dans l’activité communicationnelle, la coordination et l’entente ne peuvent être obtenues que par le dialogue. Il écrit alors : « J’appelle communicationnelles, les interactions dans lesquelles les participants sont d’accord pour coordonner en bonne intelligence leurs plans d’action ; l’entente ainsi obtenue se trouve déterminée à la mesure de la reconnaissance intersubjective des exigences de validité ».
L’écrit et l’oral qui composent les deux formes d’expression de la langue offre simultanément tous ces avantages tels que le dialogue et le moyen d’apprentissage. L’écrit, en plus de ces avantages constitue sans conteste le moyen le plus sûr de conserver le passé. D’ailleurs l’histoire en tant science digne de ce nom a commencé avec l’écriture. Même si certaines cultures marquées par l’oralité, comme celles de l’Afrique, dispose de mécanismes plus moins sûrs de conservation de leur passé, il n’en demeure pas que l’écrit a cet atout de ne pas se faire trahir par la mémoire collective. Il en ressort que l’histoire au même titre que les documents administratifs ne sont authentiques que par l’écrit. Maurice Halbwachs souligne l’avantage de l’écrit sur l’oral en ce qui concerne la conservation du passé : « Quand la mémoire d’une suite d’événements n’a plus pour support un groupe (…..), alors le seul moyen de sauver de tels souvenirs, c’est de les fixer par écrit en une narration suivie puisque, tandis que les paroles et les pensées meurent, les écrits restent ». Partant de cet avantage, doit-on privilégier l’écrit sur l’oral ? L’écrit, ayant fait son apparition en un moment donné de l’histoire, ne peut pas constituer un critère déterminant pour fonder une culture. Un fait hautement culturel qu’est la philosophie, à ses débuts, a dû s’exercer oralement.
Devant l’inertie et la répétition (la tautologie) de l’écriture, Socrate a récusé avec énergie celle-ci en ces termes : « Il y a quelque chose de redoutable dans l’écriture, et de vraiment semblable à la peinture, dont les produits se dressent comme s’ils vivaient mais qu’on leur pose une question, ils gardent le plus vénérable silence ». Alors que l’oralité garde la pensée vivante, énergique et spontanée, l’écriture quant à elle rend la pensée morte et ne permet au dialogue de s’enrichir. De plus, pour des raisons linguistiques, l’oral a aussi un avantage sur l’écrit puisque l’apprentissage d’une langue passe nécessairement par la découverte de la façon dont les mots sont prononcés. C’est parce que la phonétique, en transcrivant les sons, demeure une partie importante de la linguistique qu’elle seule permet une bonne maîtrise de la langue.
Toutefois le face à face qu’implique la communication orale peut constituer un blocage psychologique pour exprimer fidèlement nos pensées. C’est parce qu’on ne peut pas tout dire et que la parole est parfois un obstacle à la communication que André Comte-Sponville conseille de s’écrire plutôt que de se parler.
II Les Fonctions du langage
a) Langage et pensée
Le signe linguistique est composé d’un signifié et d’un signifiant. Le rapport entre signifié et signifiant peut être naturel : on parle alors d’indice. J. Piaget, dans Épistémologie des sciences de l'homme, définit l’indice en soulignant qu’il marque la dimension intrinsèque entre signifiant et signifié lorsqu’il écrit : « On appelle indice un signifiant non différencié de son signifié (sinon par sa fonction signalisatrice), en ce sens qu'il constitue une partie, un aspect ou un résultat causal de ce signifié : la vue d'une branche dépassant un mur est l'indice de la présence d'un arbre ou les traces d'un lièvre sont l'indice de son passage récent ».
Cette définition soulève les questions suivantes : le langage est-t-il toujours l’indice de la pensée ? Y a-t-il toujours adéquation entre le signifiant et son signifié à tel point qu’il en est toujours l’indice. Ces questions tournent autour du rapport entre les mots et la réalité. Soutenir que le langage est dans un rapport naturel avec la réalité c’est en même temps soutenir que les mots expriment l’essence des choses.
La Bible et le Coran abordent la question sous l’angle d’une coïncidence. En effet le langage que Dieu avait légué à Adam avant le péché originel exprimait l’essence même des choses. Platon abonde dans le même sens en proposant de nous ressouvenir d’un nom naturellement approprié pour chaque chose. Tout en jetant les bases de sa théorie des Idées, cette question est abordée sans détours dans son dialogue intitulé Cratyle. Du moment que, derrière les apparences changeantes, les choses peuvent avoir une idée fixe, éternelle et immuable, le nom doit en être l’expression. Alors conclut Platon « Nous disons que les noms nous indiquent l’essence, en partant de l’hypothèse que tout marche, se déplace et coule ». Dans ce cas le langage, en plus de remplir une fonction de communication, permet de connaître l’essence des choses.
C’est parce que le langage humain exprime la pensée qu’il y a eu dialogue. L’étymologie du terme « dialogue » intègre à la fois l’idée de parler et celle de raisonner(ou de discourir). Selon Platon, la pensée est déjà un dialogue que l’âme se tient elle-même. Dans le Théétète, Platon définit la pensée ainsi « Un discours que l’âme se tient tout au long à elle-même sur les objets qu’elle examine ». La coïncidence est également notée dans le courant de la phénoménologie. Dans ce courant, le langage c’est la pensée puis qu’il en est la manifestation, le lieu de son élaboration. Donc on ne peut parler que là où on pense mais inversement seul un être qui parle pense. Aucune pensée n’est possible sans les mots. Hegel exprime cette vision ainsi : « C’est dans le mot que nous pensons […] Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie ». « La parole n’accompagne pas seulement une pensée déjà faite mais l’accomplit, la rend effective » poursuit Maurice Merleau-Ponty. Dans cette même optique donc, Maurice Merleau-Ponty nie tout rapport d’instrumentalisation du langage par la pensée. Du moment que « le vécu est un vécu parlé », aucune expérience selon lui ne peut avoir lieu que dans le langage. Mieux, le langage est autonome et il n’est nullement extérieur à la pensée car celle-ci est déjà langage. Il écrit : « La parole n’est pas le « signe » de la pensée si l’on entend par là un phénomène qui en annonce un autre comme la fumée annonce le feu. La parole et la pensée n’admettraient cette relation extérieure que si elles étaient l’une et l’autre thématiquement donné ».
Bref dans l’optique platonicienne et phénoménologique, le langage doit faire corps avec la pensée. Mais tel n’est pas toujours le cas car le rapport entre le langage et la pensée peut être un rapport conventionnel et arbitraire. On parle alors du rapport d’extériorité et d’instrumentalisation du langage par la pensée. En effet pour Descartes et Bergson, le langage n’est qu’un moyen de traduction de la pensée déjà faite. Or l’idéal serait de saisir l’immédiat c’est-à-dire les idées en elles-mêmes sans l’intermédiaire des mots. Ce sont alors les signes linguistiques qui, en s’interposant entre les idées et la raison, nous éloignent de la réalité. Etant simple signifiant qui renvoie à un signifié, le mot ne doit pas avoir une autonomie par rapport à la réalité ou l’idée qu’il exprime. De plus les mots, à cause de leur généralité et de leur insuffisance, ne parviennent pas à exprimer la profondeur et les nuances de toute la réalité. Bergson écrit à ce propos : « Le mot qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s’insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même ». Les hommes donc s’attachent à l’étiquette que représente le mot au détriment de son contenu que constitue l’idée ou la réalité.
Dans cette même dynamique, Descartes considère que la pensée, en revêtant la plus haute importance, ne doit rien au langage pour se construire. Selon lui, le langage ne joue qu’un rôle secondaire de traduction purement conventionnelle de la pensée. C’est ce caractère conventionnel que Ferdinand de Saussure souligne pour dire que le signifiant n’a pas un rapport naturel avec le signifié. Il écrit : « Le lien unissant le signifiant au signifié est arbitraire, ou encore, puisque nous entendons par signe le total résultant de l’association d’un signifiant à un signifié, nous pouvons dire plus simplement : le signe linguistique est arbitraire ».
Le langage pourrait même être qualifié de démesurément arbitraire car les mots, ne disant pas exactement les choses, risquent de les obscurcir ou de les trahir. Ainsi le langage au lieu de traduire la pensée ne fait que l’interpréter faussement. Autrement dit les mots trahissent la pensée à cause d’une fausse traduction. Abondant dans le même sens que l’adage qui dit « traduttor traditor » (le traducteur est un traite : il trahit), Wittgenstein écrit : « Le langage travestit la pensée. Et notamment de telle sorte que d’après la forme extérieure du vêtement l’on ne peut conclure à la forme de la pensée travestie ; pour la raison que la forme extérieure du vêtement vise à tout autre chose qu’à permettre de reconnaître la forme du corps ». Même si le langage se limitait à une simple traduction de la pensée, un rôle d’ailleurs mal assuré selon Bergson et Wittgenstein, force est de reconnaître qu’il dispose d’un pouvoir exorbitant sur les choses.
Cette définition soulève les questions suivantes : le langage est-t-il toujours l’indice de la pensée ? Y a-t-il toujours adéquation entre le signifiant et son signifié à tel point qu’il en est toujours l’indice. Ces questions tournent autour du rapport entre les mots et la réalité. Soutenir que le langage est dans un rapport naturel avec la réalité c’est en même temps soutenir que les mots expriment l’essence des choses.
La Bible et le Coran abordent la question sous l’angle d’une coïncidence. En effet le langage que Dieu avait légué à Adam avant le péché originel exprimait l’essence même des choses. Platon abonde dans le même sens en proposant de nous ressouvenir d’un nom naturellement approprié pour chaque chose. Tout en jetant les bases de sa théorie des Idées, cette question est abordée sans détours dans son dialogue intitulé Cratyle. Du moment que, derrière les apparences changeantes, les choses peuvent avoir une idée fixe, éternelle et immuable, le nom doit en être l’expression. Alors conclut Platon « Nous disons que les noms nous indiquent l’essence, en partant de l’hypothèse que tout marche, se déplace et coule ». Dans ce cas le langage, en plus de remplir une fonction de communication, permet de connaître l’essence des choses.
C’est parce que le langage humain exprime la pensée qu’il y a eu dialogue. L’étymologie du terme « dialogue » intègre à la fois l’idée de parler et celle de raisonner(ou de discourir). Selon Platon, la pensée est déjà un dialogue que l’âme se tient elle-même. Dans le Théétète, Platon définit la pensée ainsi « Un discours que l’âme se tient tout au long à elle-même sur les objets qu’elle examine ». La coïncidence est également notée dans le courant de la phénoménologie. Dans ce courant, le langage c’est la pensée puis qu’il en est la manifestation, le lieu de son élaboration. Donc on ne peut parler que là où on pense mais inversement seul un être qui parle pense. Aucune pensée n’est possible sans les mots. Hegel exprime cette vision ainsi : « C’est dans le mot que nous pensons […] Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie ». « La parole n’accompagne pas seulement une pensée déjà faite mais l’accomplit, la rend effective » poursuit Maurice Merleau-Ponty. Dans cette même optique donc, Maurice Merleau-Ponty nie tout rapport d’instrumentalisation du langage par la pensée. Du moment que « le vécu est un vécu parlé », aucune expérience selon lui ne peut avoir lieu que dans le langage. Mieux, le langage est autonome et il n’est nullement extérieur à la pensée car celle-ci est déjà langage. Il écrit : « La parole n’est pas le « signe » de la pensée si l’on entend par là un phénomène qui en annonce un autre comme la fumée annonce le feu. La parole et la pensée n’admettraient cette relation extérieure que si elles étaient l’une et l’autre thématiquement donné ».
Bref dans l’optique platonicienne et phénoménologique, le langage doit faire corps avec la pensée. Mais tel n’est pas toujours le cas car le rapport entre le langage et la pensée peut être un rapport conventionnel et arbitraire. On parle alors du rapport d’extériorité et d’instrumentalisation du langage par la pensée. En effet pour Descartes et Bergson, le langage n’est qu’un moyen de traduction de la pensée déjà faite. Or l’idéal serait de saisir l’immédiat c’est-à-dire les idées en elles-mêmes sans l’intermédiaire des mots. Ce sont alors les signes linguistiques qui, en s’interposant entre les idées et la raison, nous éloignent de la réalité. Etant simple signifiant qui renvoie à un signifié, le mot ne doit pas avoir une autonomie par rapport à la réalité ou l’idée qu’il exprime. De plus les mots, à cause de leur généralité et de leur insuffisance, ne parviennent pas à exprimer la profondeur et les nuances de toute la réalité. Bergson écrit à ce propos : « Le mot qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s’insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même ». Les hommes donc s’attachent à l’étiquette que représente le mot au détriment de son contenu que constitue l’idée ou la réalité.
Dans cette même dynamique, Descartes considère que la pensée, en revêtant la plus haute importance, ne doit rien au langage pour se construire. Selon lui, le langage ne joue qu’un rôle secondaire de traduction purement conventionnelle de la pensée. C’est ce caractère conventionnel que Ferdinand de Saussure souligne pour dire que le signifiant n’a pas un rapport naturel avec le signifié. Il écrit : « Le lien unissant le signifiant au signifié est arbitraire, ou encore, puisque nous entendons par signe le total résultant de l’association d’un signifiant à un signifié, nous pouvons dire plus simplement : le signe linguistique est arbitraire ».
Le langage pourrait même être qualifié de démesurément arbitraire car les mots, ne disant pas exactement les choses, risquent de les obscurcir ou de les trahir. Ainsi le langage au lieu de traduire la pensée ne fait que l’interpréter faussement. Autrement dit les mots trahissent la pensée à cause d’une fausse traduction. Abondant dans le même sens que l’adage qui dit « traduttor traditor » (le traducteur est un traite : il trahit), Wittgenstein écrit : « Le langage travestit la pensée. Et notamment de telle sorte que d’après la forme extérieure du vêtement l’on ne peut conclure à la forme de la pensée travestie ; pour la raison que la forme extérieure du vêtement vise à tout autre chose qu’à permettre de reconnaître la forme du corps ». Même si le langage se limitait à une simple traduction de la pensée, un rôle d’ailleurs mal assuré selon Bergson et Wittgenstein, force est de reconnaître qu’il dispose d’un pouvoir exorbitant sur les choses.
b) Pouvoir et abus du langage
Le langage persiste dans cette rupture d’avec la pensée pour devenir autonome. Désormais il ne cherche pas à traduire la pensée ; c’est lui qui fait exister les choses en les nommant. Il dispose alors d’une puissance magique. Les sophistes sont les premiers à prendre conscience de ce caractère magique du langage en tentant de l’exploiter au maximum. Ainsi les sophistes considèrent que le langage est un superpouvoir en ce sens qu’il agit sur les choses par des procédés qui dépassent les lois de l’entendement ainsi que celles de la nature. L’éloquence d’un discours peut tout faire car elle est capable de créer une nouvelle réalité. Gorgias cite les différents pouvoirs du langage ainsi : « Il a la force de mettre un terme à la peur, d’apaiser la douleur, de produire la liesse, et d’inciter à la pitié ». Extraordinaire par les effets hallucinatoires qu’il produit, Gorgias compare un beau discours à une drogue de l’âme lorsqu’il écrit : « Les incantations enthousiastes ; par le seul moyens de paroles, introduisent en nos âmes le plaisir, et en chassent la peine. Car, en se mêlant à l’opinion dans l’âme, la force de l’incantation l’a charmée, persuadée et transportée par sa magie ».
La parole a une fonction thaumaturgique car, en plus de sa dimension magique, elle relève également du merveilleux et du surnaturel. Ainsi si la calomnie, la flatterie, la thérapie (notamment africaine comme le Jat, le Ndeup et le Loug) sont possibles c’est parce que la parole peut défigurer et transfigurer la réalité. À l’instar de la tradition africaine, Roger Grimaldi considère le caractère surnaturel et mystique de ce pouvoir du langage. Il écrit : « Par la parole l’irréel fait irruption dans le réel, le surnaturel dans le naturel, l’intemporel dans le temporel ». Mais la parole ne se contente pas de transformer la réalité ; elle est même la source de toute une réalité. Selon la Bible et le Coran, c’est le Verbe de Dieu qui est à l’origine de l’univers. En effet dans la Bible il est écrit : « L’Eternel Dieu dit : « Que la lumière soit » et la lumière fut. (…) Que le monde soit et le monde fut » Genèse 1,3
John Langshaw Austin insiste sur l’importance de la parole et conteste ainsi une opinion courante qui tend à la rabaisser face à l’action ou le silence. Des actes d’une haute importance dans la vie humaine comme le fait de se marier, d’être baptisé ou de formuler une prière ne peuvent se faire sans l’intervention de la parole. Selon lui d’ailleurs la parole est trois fois actes. Il s’agit de l’acte de locution, l’acte de faire réagir autrui et l’acte de produire un effet sur la réalité.
La langue est également un outil qui oriente notre maîtrise du monde. Dans la mesure où elle coïncide avec la culture, la langue détermine en grande partie notre façon de voir le monde. Elle représente ainsi le prisme à travers lequel on regarde le monde. Cette condamnation que nous impose la langue à voir les choses sous un angle déterminé pousse Emile Benveniste à écrire : « Nous pensons un univers que notre langue a d’abord modelé ».
Ces différents pouvoirs du langage s’inscrivent dans une logique d’une totale renonciation du langage de se limiter à un rôle de pure traduction de la réalité. L’importance et le pouvoir du langage se vérifient par le fait que toute société humaine repose essentiellement sur le principe de l’échange linguistique. Cette importance n’occulte pas toutefois les dangers que présente parfois l’échange de paroles. En effet il faut reconnaître que le langage est un bien nécessaire certes mais un bien très dangereux. Les imperfections et les défaillances du langage sont parfois périlleuses à l’humanité. Cette idée est illustrée de fort belle manière par le Bulletin d’information de l’Association des traducteurs littéraires de France intitulé « L’erreur de traduction la plus tragique de l’Histoire ». Se fondant sur ce Bulletin, Marthe Robert, dans La Vérité littéraire, souligne que la polysémie du mot japonais « mokusatsu » et sa traduction dans les autres langues est à l’origine du bombardement d’Hiroshima. Helvétius donne le constat allant dans ce sens lorsqu’il écrit : « Parmi les peuples, comme parmi les souverains, il n’en est aucun que l’abus des mots n’ait précipité dans quelque erreur grossière ».
L’absence d’un langage qui coïncide avec la pensée étant la source du mal ou du problème, se pose alors la nécessité d’une recherche de solutions.
La parole a une fonction thaumaturgique car, en plus de sa dimension magique, elle relève également du merveilleux et du surnaturel. Ainsi si la calomnie, la flatterie, la thérapie (notamment africaine comme le Jat, le Ndeup et le Loug) sont possibles c’est parce que la parole peut défigurer et transfigurer la réalité. À l’instar de la tradition africaine, Roger Grimaldi considère le caractère surnaturel et mystique de ce pouvoir du langage. Il écrit : « Par la parole l’irréel fait irruption dans le réel, le surnaturel dans le naturel, l’intemporel dans le temporel ». Mais la parole ne se contente pas de transformer la réalité ; elle est même la source de toute une réalité. Selon la Bible et le Coran, c’est le Verbe de Dieu qui est à l’origine de l’univers. En effet dans la Bible il est écrit : « L’Eternel Dieu dit : « Que la lumière soit » et la lumière fut. (…) Que le monde soit et le monde fut » Genèse 1,3
John Langshaw Austin insiste sur l’importance de la parole et conteste ainsi une opinion courante qui tend à la rabaisser face à l’action ou le silence. Des actes d’une haute importance dans la vie humaine comme le fait de se marier, d’être baptisé ou de formuler une prière ne peuvent se faire sans l’intervention de la parole. Selon lui d’ailleurs la parole est trois fois actes. Il s’agit de l’acte de locution, l’acte de faire réagir autrui et l’acte de produire un effet sur la réalité.
La langue est également un outil qui oriente notre maîtrise du monde. Dans la mesure où elle coïncide avec la culture, la langue détermine en grande partie notre façon de voir le monde. Elle représente ainsi le prisme à travers lequel on regarde le monde. Cette condamnation que nous impose la langue à voir les choses sous un angle déterminé pousse Emile Benveniste à écrire : « Nous pensons un univers que notre langue a d’abord modelé ».
Ces différents pouvoirs du langage s’inscrivent dans une logique d’une totale renonciation du langage de se limiter à un rôle de pure traduction de la réalité. L’importance et le pouvoir du langage se vérifient par le fait que toute société humaine repose essentiellement sur le principe de l’échange linguistique. Cette importance n’occulte pas toutefois les dangers que présente parfois l’échange de paroles. En effet il faut reconnaître que le langage est un bien nécessaire certes mais un bien très dangereux. Les imperfections et les défaillances du langage sont parfois périlleuses à l’humanité. Cette idée est illustrée de fort belle manière par le Bulletin d’information de l’Association des traducteurs littéraires de France intitulé « L’erreur de traduction la plus tragique de l’Histoire ». Se fondant sur ce Bulletin, Marthe Robert, dans La Vérité littéraire, souligne que la polysémie du mot japonais « mokusatsu » et sa traduction dans les autres langues est à l’origine du bombardement d’Hiroshima. Helvétius donne le constat allant dans ce sens lorsqu’il écrit : « Parmi les peuples, comme parmi les souverains, il n’en est aucun que l’abus des mots n’ait précipité dans quelque erreur grossière ».
L’absence d’un langage qui coïncide avec la pensée étant la source du mal ou du problème, se pose alors la nécessité d’une recherche de solutions.
c) La recherche d’une solution
La solution face à ce déficit du langage est de créer ou de trouver une nouvelle langue qui ne se prêterait à aucune confusion et qui exprimerait sans ambages les idées telles qu’elles sont. Une langue dans laquelle les mots sont sans ambiguïté est, en effet, la solution pour Descartes et les cartésiens. Leibniz ainsi qu’Arnauld et Nicole considèrent que cette langue sera universelle car elle doit être taillée sur le modèle mathématique. Arnauld et Nicole écrivent : « Le meilleur moyen pour éviter la confusion des mots qui se rencontrent dans les langues ordinaires est de faire une nouvelle et de nouveaux mots qui ne sont attachés qu’aux idées que nous voulons qu’ils représentent ». Pour ce faire, Leibniz propose de faire l’inventaire de toutes les connaissances humaines sans oublier un seul détail. Ainsi nous commencerons par les plus simples pour en arriver aux plus complexes selon la règle de l’analyse et de synthèse telle que l’a soulignée Descartes. Dans cette perspective nous simplifierons et nous rendrons sûre cette langue en la débarrassant de tout ce qui est superflu de sorte qu’au lieu de dire discutons nous dirons plutôt calculons. Leibniz souligne l’avantage que donne cette langue taillée sur le modèle algébrique ainsi : « Car elle donnerait une écriture ou si vous voulez langue universelle qui s’entendrait de tous les peuples. Cette langue s’apprendrait tout entière (au moins pour le plus nécessaire) en peu de jours, et ne se saurait oublier, pourvu qu’on en retînt quelque peu de chose ». Ce projet de créer une langue universelle s’avère utile et désirable mais il demeure un projet irréalisable même si les modalités de sa faisabilité sont posées par les cartésiens.
C’est pourquoi il faut renoncer de créer une nouvelle langue ; il faut plutôt retrouver celle dite adamique. En effet le langage que Dieu avait légué à Adam avant le péché originel était une langue universelle. Dans la mesure où c’était une langue claire, elle conférait aux hommes le pouvoir de réaliser tous leurs projets. Ainsi « La tour de Babel ou la confusion des langues » est parti de ce principe. Dans l’Ancien Testament, Genèse, XI, il est écrit : « Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. […] L’Eternel dit : « Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris : maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’ils auraient projeté. Allons ! Descendons et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue les uns des autres ».
Nous sommes tentés de dire que cette langue que nous désirons tant sera naturelle car elle ne relève pas de l’invention des hommes ainsi que de leur diversité. En effet cette langue serait innée, spontanée et elle ne demande qu’à être exhumée. Rousseau souligne que cette langue existe bel et bien lorsqu’il écrit : « On a longtemps cherché s'il y avait une langue naturelle et commune à tous les hommes; sans doute, il y en avait une; et c'est celle que les enfants parlent avant de savoir parler ». Cette langue, selon Jean Rambossson, n’est rien d’autre que « le langage mimique naturel ». Il écrit : « Il n’y a qu’une langue naturelle, une langue commune à toute la race humaine, et qui ne demande qu’à être réveillée, qui puisse offrir cet avantage, et cette langue, c’est le langage mimique naturel ». Même si cette langue rend simple la communication, elle ne résout pas le problème entièrement. La mimique, en effet, relève du langage gestuel dont les inconvénients, soulignés par Emile Benveniste, ne font pas l’objet d’un doute. Dés lors on peut conclure que la tentative de créer ou de retrouver une langue universelle est vouée à l’échec. On se heurte à une aporie d’une langue théoriquement possible mais pratiquement irréalisable. Face à ce dilemme la solution est alors de garder le silence selon Wittgenstein car il y’a l’inexprimable. Il faut surtout renoncer à tout dire car à force de vouloir traduire en mots l’ineffable, on court vers le danger que présente le langage. Wittgenstein conclut alors : « Ce qu’on ne peut dire, il faut le taire ».
Et le grand risque qu’on court à vouloir traduire tout en mots c’est de tomber dans le verbalisme. Rousseau prévient l’éducateur d’Émile à éviter un vain bavardage en donnant des conseils suivants « Resserrez donc le plus qu'il est possible le vocabulaire de l'enfant. C'est un très grand inconvénient qu'il ait plus de mots que d'idées, et qu'il sache dire plus de choses qu’il n'en peut penser. Je crois qu'une des raisons pourquoi les paysans ont généralement l'esprit plus juste que les gens de la ville, est que leur dictionnaire est moins étendu. Ils ont peu d'idées, mais ils les comparent très bien ».
Cette quête des solutions donc n’est pas aisée. Entre retrouver et créer une langue universelle ou encore garder le silence, la solution de Rousseau semble être pertinente dans la mesure où elle garde le juste milieu entre le bavardage et le mutisme.
C’est pourquoi il faut renoncer de créer une nouvelle langue ; il faut plutôt retrouver celle dite adamique. En effet le langage que Dieu avait légué à Adam avant le péché originel était une langue universelle. Dans la mesure où c’était une langue claire, elle conférait aux hommes le pouvoir de réaliser tous leurs projets. Ainsi « La tour de Babel ou la confusion des langues » est parti de ce principe. Dans l’Ancien Testament, Genèse, XI, il est écrit : « Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. […] L’Eternel dit : « Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris : maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’ils auraient projeté. Allons ! Descendons et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue les uns des autres ».
Nous sommes tentés de dire que cette langue que nous désirons tant sera naturelle car elle ne relève pas de l’invention des hommes ainsi que de leur diversité. En effet cette langue serait innée, spontanée et elle ne demande qu’à être exhumée. Rousseau souligne que cette langue existe bel et bien lorsqu’il écrit : « On a longtemps cherché s'il y avait une langue naturelle et commune à tous les hommes; sans doute, il y en avait une; et c'est celle que les enfants parlent avant de savoir parler ». Cette langue, selon Jean Rambossson, n’est rien d’autre que « le langage mimique naturel ». Il écrit : « Il n’y a qu’une langue naturelle, une langue commune à toute la race humaine, et qui ne demande qu’à être réveillée, qui puisse offrir cet avantage, et cette langue, c’est le langage mimique naturel ». Même si cette langue rend simple la communication, elle ne résout pas le problème entièrement. La mimique, en effet, relève du langage gestuel dont les inconvénients, soulignés par Emile Benveniste, ne font pas l’objet d’un doute. Dés lors on peut conclure que la tentative de créer ou de retrouver une langue universelle est vouée à l’échec. On se heurte à une aporie d’une langue théoriquement possible mais pratiquement irréalisable. Face à ce dilemme la solution est alors de garder le silence selon Wittgenstein car il y’a l’inexprimable. Il faut surtout renoncer à tout dire car à force de vouloir traduire en mots l’ineffable, on court vers le danger que présente le langage. Wittgenstein conclut alors : « Ce qu’on ne peut dire, il faut le taire ».
Et le grand risque qu’on court à vouloir traduire tout en mots c’est de tomber dans le verbalisme. Rousseau prévient l’éducateur d’Émile à éviter un vain bavardage en donnant des conseils suivants « Resserrez donc le plus qu'il est possible le vocabulaire de l'enfant. C'est un très grand inconvénient qu'il ait plus de mots que d'idées, et qu'il sache dire plus de choses qu’il n'en peut penser. Je crois qu'une des raisons pourquoi les paysans ont généralement l'esprit plus juste que les gens de la ville, est que leur dictionnaire est moins étendu. Ils ont peu d'idées, mais ils les comparent très bien ».
Cette quête des solutions donc n’est pas aisée. Entre retrouver et créer une langue universelle ou encore garder le silence, la solution de Rousseau semble être pertinente dans la mesure où elle garde le juste milieu entre le bavardage et le mutisme.
Conclusion
Il s’agissait de parcourir une problématique très riche. En effet Langage et communication qui est du domaine de la Vie sociale soulève d’importantes questions. De ce fait distinguer la communication animale de la communication humaine ou encore déterminer la nature du rapport existant entre le langage et la pensée soulèvent beaucoup de controverses. C’est dans ces débats que la nécessité d’élucider des concepts ainsi que leurs rapports se pose avec acuité. Ainsi des rapports entre l’écrit et l’oral ; entre le signe, l’indice et le symbole ; entre langue et culture ; entre la parole et le geste ont dû tous être passés en revue. Mais la question du rapport entre les mots et la réalité a occupé le centre de cette étude. C’est d’ailleurs de la rupture entre les mots et la réalité que nous avons tantôt soulignée qu’est née l’autonomie de la parole pour finir par devenir un pouvoir gigantesque. Ce pouvoir n’a pas manqué de nous faire encourir des dangers. Mais malgré ces dangers, le langage est une de ces nécessités les plus absolues puisque le constat général est qu’il n’existe pas d’homme sans langage. Norbert Wiener écrit à juste titre : « Si nous considérons le vaste ensemble de l’humanité, nous pouvons affirmer sans crainte qu’il n’existe pas de communauté d’individus […] qui ne possède son propre mode de parole ». Nul doute donc que le langage humain dont le caractère propre est l’articulation présente des avantages considérables. Etant le seul capable d’exprimer des idées complexes, le langage articulé définit finalement l’homme.
Auteur:
Khady Mbaye Professeur de philosophie au Lycée de Taïba Niassène
Commentaires
Souleymane fane (non vérifié)
mer, 08/05/2020 - 17:51
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Langage et la communication
Facinet sylla (non vérifié)
ven, 03/12/2021 - 01:15
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lun, 04/11/2022 - 22:41
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lun, 12/05/2022 - 18:26
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Boubacar Doumbouya (non vérifié)
dim, 02/05/2023 - 17:03
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La communication étant
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